top of page

— Tomy !

Des paroles, lâchées dans le vent, qui résonnent sur les parois de la haute montagne. C’est une déchirure, une crevasse béante dans la calme et le silence. Elles rebondissent contre les rochers, les arbres, tout ce qui se trouve à portée de cette voix d’habitude si douce. Ces paroles sont lourdes, pèsent sur mes épaules, serrent ma gorge, percent mes tympans, étouffent tous les autres bruits. Ce ne sont pas des paroles. C’est un cri, un hurlement de rage. Un rugissement pénétrant, terrifiant, qui me glace instantanément le sang. La colère que je perçois est telle que je me sens ployer sous son poids, je voudrais m’enterrer dans ce sol sauvage, ou plutôt courir, fuir au plus vite cette scène insupportable. Au lieu de ça, je regarde, pétrifiée et impuissante, cette femme que j’admire tellement, d’ordinaire si paisible, appeler rageusement cet enfant inconscient.
— Tomy !

De toutes les personnes présentes, je semble être la seule à saisir l’extrême gravité de la situation. Tous les autres continuent de marcher, de parler et de rire, pendant que je me fige d’horreur. Le temps s’est arrêté de s’écouler uniquement pour moi. Les vaches continuent de brouter calmement. Les papillons volent encore tranquillement. L’enfant lui non plus ne paraît pas avoir remarqué quoi que ce soit. C’est pourtant à lui que s’adresse cet effroyable appel. Mais il fait comme si de rien était, stupidement, aveuglément, et poursuit sa course folle à travers les champs. Il tournoie et rit, ce qui contraste terriblement avec la violence de la fureur de cette magnifique femme. Je voudrais l’étrangler, juste pour le punir de ce qu’il lui fait subir en ce moment. Son indifférence devant l’ébullition de sa mère est insupportable, pour moi comme pour elle, et elle crie une fois de plus. Elle hurle de toutes ses forces, de toute sa voix, de toute sa rage, elle s’égosille, s’époumone, elle n’en peut plus, elle craque, c’est trop pour elle. Le plus insoutenable dans tout ça, c’est que l’enfant insolent n’en a rien à faire.

— Tomy !

Je n’oublierai jamais la puissance et la violence de ce cri, qui m’ont démontré qu’ignorer quelqu’un peut lui faire beaucoup plus de mal qu’on ne le pense. Depuis, cette scène me hante, et me rappelle de faire attention à qui je ne prête pas attention, au cas où il s’agirait de quelqu’un que j’aime.

Attention

bottom of page