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Je regarde mon reflet dans le miroir. Je regarde les larmes rouler sur mes joues, doucement. Cette douceur, que je suis sur le point d’assassiner, car je ne sais pas qu’elle existe. Je ne la vois pas. Je reste persuadée que ma vie en est dépourvue. Mon ignorance et mon aveuglement laissent donc de la place pour la souffrance, qui s’est à présent installée confortablement au fond de moi. Depuis le début, je lutte, je me bat contre cette douleur qui m’envahit. Mais plus je me démène, et plus je m’épuise. Et plus je m’épuise, plus elle prend du terrain. Maintenant, elle a gagné. Cette guerre essoufflante est terminée, et je me suis laissée battre par mon adversaire. Le pacte que nous avions implicitement signé ensemble stipulait que « celle qui perdrait devrait s’abandonner à l’autre ». J’ai perdu. Je m’abandonne.

Je regarde mon reflet dans le miroir. Je regarde ma main tremblante se serrer autour du manche. Je la regarde approcher le couteau de mon avant bras, sans cesser de trembler. Je le regarde se poser sur poignet. Je regarde la lame parcourir consciencieusement ma peau, comme un patin glisserait sur la glace d’une patinoire. Je la regarde laisser une fine trace écarlate. Je regarde le liquide rouge perler des entailles. Je m’attarde dessus, et je me dis que c’est vraiment une image magnifique. Les gouttes coulent le long de mon bras, se rejoignent entre elles, et continuent leur route ensemble.
En cet instant, je me dis que la souffrance n’a pas entièrement gagné, car si j’ai très mal, je ressens également un sentiment étrange. En observant ces perles timides sur ma peau, je perçois une chose qui m’était inconnue depuis longtemps. De la beauté. Du calme. De la douceur.

Douceur

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