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Insomnies. C’est comme ça que je les ai appelées, ces nuits sans sommeil, pour les justifier aux yeux des autres, pour que personne ne se doute de rien.

Ce n’étaient pas des insomnies. Je pouvais dormir, mais je ne le voulais pas. Le chagrin et la douleur qui lacéraient mon cœur ne m’empêchaient pas de m’assoupir. C’était moi, moi et moi seule, qui décidais de rester éveillée.

Quand le soir frappait à ma porte, je m’allongeais dans mon lit, et je restais là, à fixer le plafond de ma vaste chambre, pendant plusieurs heures. Je pensais, je pleurais. Je pensais à la journée que je venais de vivre, et je pleurais parce que je savais que celle qui suivrait serait la même. Certains jours, pendant que je gisais, immobile, mon cœur s’arrêtait de battre, et je mourais, en silence. Pendant ces minutes que je passais dans l’au-delà, j’avais le pouvoir de modeler ma vie comme bon me le semblait. J’imaginais des scènes atroces, dans lesquelles mes proches assistaient, impuissants, à ma mort, qui se trouvait être de plus en plus originale. Et j’aimais ça, je jouissais de leurs visages effarés et de l’attention qu’ils me portaient.

Mon inertie spirituelle terminée, je me levais, m’habillais, et sortais arpenter les rues noires et silencieuses. Je me glissais dans la ville endormie, et la nuit m’ouvrait ses bras, son souffle frais soulevant doucement mes cheveux. J’adorais me sentir puissante, savoir tout le reste du monde vulnérable, pendant que moi, je m’appropriais les avenues, les rues, le moindre chemin. Je marchais, je criais, je pleurais, j’hurlais, et personne ne pouvait m’entendre. J’étais libre.
Voilà pourquoi, toutes les nuits, je ne dormais pas.

Ce n’étaient pas des insomnies. C’était un choix.

Insomnies

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