Dibul

La fille danse, elle tournoie, s’envole, s’échappe. Elle est entraînée par la musique, toujours plus envoûtante à chaque seconde qui passe, chaque seconde passée à virevolter. Elle est comme hypnotisée, elle ne s’arrête pas de danser, un peu, beaucoup, passionnément, puis à la folie. Elle saute, tourne sur elle même, accélère, se roule par terre, accélère encore, court, marque une subtile pause, recommence ce jeu infernal. C’est tellement intense qu’elle se croit mourir, mais elle accélère quand même, pour le plaisir. Peut être que si elle continue jusqu’à la nuit des temps, elle pourra enfin partir, paisiblement. Quitter ce monde obtus. Elle laisse la chorégraphie la posséder, ne devenant qu’une vulgaire poupée de chiffon, abandonnée à cet art si merveilleux. Elle danse. Encore et encore. Elle hurle, elle crache sa colère. Elle fait sortir sa douleur pendant que son corps continue sa sublime valse.

Toujours en train de danser, elle se retrouve dans une pièce minuscule. Elle a tout juste la place de se tenir debout. Il n’y a pas de fenêtres, pas de lumière. Mais la fille voit quand même son reflet dans les miroirs qui tapissent les murs. Elle s’observe tourner, voler, danser. La vie n’a plus aucun autre sens que ce mot : danser. Elle veut le répéter jusqu’à la fin. Je danse. Je danse, je danse, je danse ! A présent, elle crie ces mots magiques, qui résonnent dans cette pièce oppressante. Les miroirs se rapprochent, réduisant considérablement l’espace. Rien ne peut l’empêcher de continuer son œuvre. Elle danse, persévère, elle ne s’arrêtera pas. La cadence accélère encore, devenant insoutenable. Et plus elle bouge, plus la pièce devient petite.

Arrive cet instant où elle n’a plus la place de danser. Elle ralentit. Lentement, elle stoppe sa folie danseuse. Doucement, elle arrête de tournoyer. De danser. Elle se laisse tomber au sol, et écoute, attentivement, sa respiration s’affaiblir et les battements de son cœur disparaître. Elle meurt, heureuse d’avoir dansé jusqu’à la fin.