Dibul

Comme je relis mes textes, je me dis que je ressemble décidément beaucoup à mes personnages. Je raconte l’histoire de fous, d’harcelés, de mutilés, de désespérés. Je me rend compte que ce sont des œuvres autobiographiques, que sans le vouloir je raconte ma vie au travers de mes récits. Et puis il y a ce texte, tout petit, tout timide. Un des premiers. Lui aussi reflète ma personnalité. Cette danseuse, c’est une artiste. Elle créée sa chorégraphie, comme je crée mes personnages et mes histoires. Mais alors, si je suis comme ces derniers, je suis donc harcelée, mutilée, désespérée ? Ça fait un peu peur de se dire ça. Alors je réfléchis, et je me dit que d’avoir une double vie à travers ces personnes inventées, c’est un peu de la schizophrénie, non ? Dans ce cas, je suis folle. Oui, peut-être qu’en fin de compte, je suis folle, mais je suis avant tout une artiste. Je réfléchis encore, et je pense qu’en fait c’est la même chose. Tout artiste digne de ce nom se doit d’être fou. Sinon ce n’est pas un bon créateur. Pour ne pas faire seulement de belles œuvres, mais des œuvres magnifiques, il faut arriver à voir le monde comme personne ne le voit, à scanner l’esprit des gens, à réfléchir, non pas à propos de sa création, mais avec elle. Il faut fusionner avec sa composition, ne faire qu’un. Il faut savoir penser l’impensable, faire l’infaisable, décrire l’indescriptible. Qui mieux qu’un fou peut effleurer une telle performance, impossible à atteindre selon une personne saine d’esprit ? Je pense que, quel que soit notre domaine, que l’on filme, photographie, danse, chante, écrive, compose, joue, habille, maquille, peigne, dessine, cuisine ou quoi que ce soit d’autre, on ne peut pas être sain d’esprit.
Alors oui, je vous l’accorde. Je suis folle. Je suis une artiste.