Dibul

Chère Ela. 

J'ai lu ta lettre et je dois avouer qu'elle a retenu mon attention. Le cadeau que tu m'a demandé m'a touché, mais cette dernière phrase que tu as écrite l'a fait plus encore. "Je pense à toi, Père Noël, et j'espère que tu ne te sens pas trop seul là-haut, dans le froid." Si tu savais, petite Ela, si tu savais comme tu ne pouvais tomber plus juste... 

Personne ne pense jamais à moi, personne ne se soucie de se que je ressens. Je reçois chaque année plus de lettres que personne n'en a jamais reçu, et pourtant, tu es la première à t'adresser à moi vraiment. Les autres enfants n'ont d'intérêt que pour mes cadeaux, et se moquent éperdument de savoir si je vais bien. S'ils savaient, petite Ela, s'ils savaient... 

Je suis l'homme le plus seul au monde. J'ai froid, ici, et mon coeur se glace un peu plus chaque jour à cause de cette solitude. Je me sens vide, vide d'énergie et vide de sens. Autrefois, mon travail me remplissait de joie, mais maintenant, c'est devenu une corvée. Je suis destiné à être au service d'enfants centrés sur leur personne toute ma vie. Je n'ai plus plaisir à vivre. Je me vois préparer les cadeaux, sans émotion, sans amour. C'est triste... Je donne du bonheur alors que je ne sais pas m'en procurer. Je suis si malheureux, si seul... Je ne sais pas si je vais pouvoir honorer la distribution cette année... C'est trop dur pour moi, j'ai besoin d'aide... 

Je crois que ma fin est proche. La mort ne me fait pas peur, je la préfère à la solitude et au chagrin. 

Au fond, nous sommes opposés. Ton corps est malade, mais tu es pleine de vie ; je suis grand et fort, mais je suis déjà mort. C'est pour cette raison que j'ai pris cette décision. Tu aura le privilège d'avoir le dernier cadeau de Noël que je délivrerai. Noël s'éteindra avec moi, mais son esprit, tout comme le mien, continuera de battre en toi. Dans ta poitrine. 

Petite Ela, je te donne ce que tu m'a demandé. Je te donne un cœur. Mon cœur. J'espère que tu en fera bon usage, que tu vivra heureuse. Je te présente mes excuses, souhaitant que tu ne m'en veuille pas d'avoir abandonné Noël de la sorte, mais je préfère te sauver que de contenter une horde d'enfants égoïstes. Et puis, au fond, n'est-ce pas ça, l'esprit de Noël ?

Adieu. 

Le Père Noël.